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Sexothérapie et Sexologie. EMDR, IMO, Hypnose Thérapeutique et Thérapies Orientées Solution

Traitement des traumas sexuels chez les victimes de tortures. Revue Sexualités Humaines 14.



L’art-thérapie pour déjouer le traumatisme
Par Raphaël MORENO


Traitement des traumas sexuels chez les victimes de tortures. Revue Sexualités Humaines 14.
Introduction

« Soigner les troubles sexuels au plus près de l’expérience du corps ».
Il est difficile d’imaginer qu’il puisse être nécessaire de recourir à la chirurgie réparatrice pour soigner et guérir les souffrances sexuelles qui résultent de violences criminelles, comme par exemple les mutilations génitales féminines ou celles pratiquées chez l’homme sur la verge ou les testicules.
C’est souvent au décours d’une consultation que la personne se risque à parler de ses difficultés sexuelles. Plusieurs entretiens ont été nécessaires pour établir une relation de confiance. En effet, pour ces hommes ou ces femmes « demandeurs d’asile », qui viennent consulter au centre Parcours d’Exil, le problème primordial est de :
- retrouver le sommeil, ne plus avoir de cauchemars ;
- avoir moins d’angoisses et moins de pertes de mémoire ;
- et surtout, ne plus paniquer en présence des militaires qu’ils croisent dans les rues ou dans les gares ;
- en finir avec le stress post-traumatique et essayer d’obtenir le statut de réfugié reste la motivation première de tous ces réfugiés qui viennent des pays où la violence est quotidienne.
Violence coutumière faite aux femmes par les mutilations génitales, violences militaires qui se traduisent pour les femmes par des séries de viols et de tortures dans les prisons en cas de détention. Violence dans les salles de torture, avec pour les hommes des sévices sexuels sur les organes génitaux et aussi des viols par sodomie.
Toutes ces violences entraînent des troubles dissociatifs, qui sont caractérisés par la survenue d’une perturbation touchant les fonctions normalement intégrées comme la mémoire, la conscience et l’identité.
« Je ne souffre plus, je cesse même d’exister, tout au moins comme un moi global. »

Excision et chirurgie réparatrice

L’excision est le nom global donné à différentes pratiques traditionnelles qui entraînent l’ablation des organes génitaux externes de la femme. Bien que plusieurs justifications soient données pour le maintien de cette pratique, elle semble liée essentiellement au désir d’assujettir les femmes et de contrôler leur sexualité. En effet, les hommes historiquement en sont les initiateurs et ce sous le prétexte de préserver la fidélité des femmes.

On distingue trois formes principales de mutilations sexuelles :
- la plus courante est l’ablation totale ou partielle du clitoris et des petites lèvres ;
- la forme la plus grave est l’infibulation où, après ablation du clitoris et des petites et grandes lèvres, la vulve est ensuite suturée à l’aide de fils ou d’épines et il persiste juste un orifice étroit pour l’évacuation des urines et des règles. Dans ce cas, chaque accouchement est l’occasion d’un traumatisme répété puisqu’il faut inciser pour permettre le passage de l’enfant puis recoudre ;
- la « sunna » est la forme la moins « grave ». Elle est souvent appelée excision symbolique. Elle consiste à couper la membrane du clitoris, ou à inciser le clitoris, ou bien encore à en couper le capuchon.
Dans certaines communautés, une femme non excisée est traitée d’impure et considérée comme la honte de la famille, qui la rejette. De ce fait, les femmes soutiennent largement cette coutume pourtant responsable de très nombreux cas d’infections et d’hémorragies. A titre d’information, en Egypte où 97 % des femmes sont excisées, où 8 sur 10 se disent favorables à cette pratique et où les trois quarts des opérations sont réalisées à la maison, l’interdiction récente du Conseil d’Etat égyptien de continuer à la pratiquer aura vraisemblablement peu d’impact sur le comportement de la population.

La situation en France
Au XIXe siècle, la clitoridectomie a été préconisée par des médecins comme Paul Broca (1824-1880) pour lutter contre l’onanisme (masturbation). Aujourd’hui, l’excision constitue une atteinte à la personne. Elle entre dans le cadre des violences ayant entraîné une mutilation permanente, délit passible d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Lorsque la victime est une mineure de 15 ans, cela devient un crime passible de 15 ans de réclusion criminelle, 20 ans si le coupable est un ascendant légitime (Art. 222-9 et 222-10 du Code pénal). On estime qu’au moins 30 000 femmes et fillettes excisées vivent en France. Différentes organisations estiment que 10 000 à 20 000 petites filles originaires d’Afrique risquent d’être excisées.
Souvent l’excision est pratiquée lors d’un retour au pays et donc hors du territoire national. La législation française fait cependant obligation aux soignants de dénoncer toutes agressions sexuelles sur mineures.

Traitement des traumas sexuels chez les victimes de tortures. Revue Sexualités Humaines 14.
Observations cliniques

1. Chirurgie réparatrice après excision

Madame D.a 34 ans. Elle a dû fuir son pays après des manifestations où son mari a été tué, elle a été arrêtée et emprisonnée pour avoir organisé une réunion à la mémoire des personnes tuées cinq mois plus tôt. Elle a été torturée et violée par les militaires et laissée pour morte… Elle a été hospitalisée pendant une semaine et a réussi à s’enfuir avec la complicité d’un infirmier de la même ethnie qu’elle. Avec un passeport d’emprunt, elle est arrivée en France en mars 2010.
A la première consultation, elle me confie qu’elle a dû abandonner ses enfants : deux garçons et une fille dont elle n’a pas de nouvelles, et surtout elle a très peur que sa fille de 4 ans ne subisse elle aussi une excision comme c’est la coutume au village. Je vais la suivre de mois en mois, et à la troisième consultation, elle me demande :
« Est-ce que c’est possible de me faire opérer ? Car on m’a fait l’excision quand j’étais petite et j’ai appris que c’était possible de faire une opération de chirurgie réparatrice en France. »

Et elle me dit aussi qu’elle a eu des nouvelles de ses enfants, que le plus grand des garçons est à l’hôpital pour des crises d’asthme à répétition. Mais c’est surtout pour sa fille qui est au village qu’elle est angoissée car elle n’arrive pas à oublier que sa propre petite sœur est morte d’une hémorragie après avoir été excisée au couteau.
Vient ensuite une période de trois mois où elle prend rendez-vous mais ne vient pas… et quand elle revient, c’est parce qu’elle est inquiète pour le recours à la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) et qu’elle me demande un certificat médical attestant de son suivi au centre médical. Elle veut surtout arrêter de penser et pouvoir dormir. Le mois suivant, à sa demande, je prends rendez-vous avec le docteur Pierre Foldès (2) et je lui remets une lettre pour faire la chirurgie réparatrice des lèvres et du clitoris.
Le Docteur Foldès est chirurgien urologue. Après avoir sillonné le monde en tant que médecin humanitaire, il se consacre aujourd’hui à la lutte contre l’excision. Il a mis au point une technique de reconstitution de la vulve et du clitoris. Elle sera opérée en août.

L’intervention consiste, après une dissection des bulbo-caverneux, en :
- une réparation complète du clitoris, ce qui permet d’abord de supprimer la douleur latente laissée par la cicatrice ;
- une reconstruction des petites et grandes lèvres.
Cette opération permet également de résoudre les problèmes d’obstétrique et d’urologie causés par l’excision.
Le chirurgien la revoit en septembre, on peut lire dans sa lettre :
« Le clitoris est déjà en place, en train de se réépithélialiser et elle entreprend la cicatrisation finale qui se passe dans de bonnes conditions. Nous poursuivons sa surveillance sur six mois pour l’accompagner dans la restauration de sa sexualité. »
Mais la chirurgie n’est que la première étape sur le chemin de la restauration de la sexualité, la deuxième étape consiste en un accompagnement corporel et psychologique suivant un protocole de soin supervisé par l’équipe du Docteur Foldès sur une durée d’un à deux ans.
Commence ensuite au centre Parcours d’Exil une période de séances de relaxation et de massage de tout le corps pour aider à une reconstruction de l’image corporelle. Notre masseuse-kinésithérapeute a de longues années de pratique auprès des personnes victimes de tortures. Elle sait prendre en charge ces patients et les aider à retrouver une sensibilité corporelle que les tortures avaient détruite. Libérer le corps de son anesthésie aide à libérer la parole et accéder aux émotions refoulées. Car la reconstruction de l’organe blessé n’est pas tout, même si elle intervient dans la restauration de l’image de soi. C’est grâce à ce travail d’empathie que la personne peut se réapproprier son corps et ses sensations pour (re)découvrir son désir et (re)vivre sa sexualité.

2. Chirurgie réparatrice après violences anales

Madame T.est âgée de 28 ans, elle est célibataire et elle tenait un salon de coiffure dans la capitale de son pays. Sous son aspect timide, se cache une militante pour l’amélioration des droits des femmes. Pour avoir manifesté avec d’autres femmes de son quartier, elle a été arrêtée et mise en prison pendant un mois. Elle a été battue à coups de matraques, ses jambes en portent les cicatrices et elle a été violée par les militaires.
Cela ne l’empêche pas deux ans plus tard de participer à des manifestations contre la vie chère et le manque d’eau et d’électricité. Elle est de nouveau arrêtée et emmenée dans un camp de détention pendant deux mois. La nuit, les gardiens viennent la chercher et la conduisent dans une chambre où elle est martyrisée : elle porte sur les fesses les cicatrices des poignards que les militaires enfonçaient pour la tenir tranquille pour la violer et la sodomiser…

Après plusieurs mois d’attente pour passer à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) et essayer d’obtenir le statut de demandeur d’asile, elle me confie que depuis les viols par sodomie, elle perd ses matières et est obligée de se garnir. Elle présente une fistule anale traumatique, ce que confirme le Dr. C., chirurgien gastro-entérologue. C’est pourquoi elle s’interdit toute relation sexuelle car elle panique à l’idée de se souiller pendant un rapport sexuel. Plusieurs fois je la sollicite pour qu’elle se fasse opérer, mais elle me dit qu’elle préfère attendre d’avoir son statut de refugiée.

Il faudra attendre quinze mois pour qu’elle obtienne de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) son statut de demandeur d’asile et qu’elle se décide à se faire opérer. C’est pour elle une grande joie de savoir qu’elle va retrouver son corps sans honte et elle espère retrouver une sexualité satisfaisante.


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Hannah TEBOUL
Sexothérapie, Praticienne en Hypnose Thérapeutique, Thérapeute EMDR IMO à Paris, Assistante de... En savoir plus sur cet auteur
Rédigé le Samedi 16 Décembre 2023 à 21:29 | Lu 238 fois


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