Le sexe des filles.



Par Catherine Leboullanger.


Dans ma dernière chronique, il avait été question du sexe des garçons car il m’était apparu fondamental d’aborder la question de la masculinité physique et psychique dans le contexte plutôt « féminin » des intervenants de l’Education nationale. Il s’agissait de comprendre les pulsions des garçons afin d’améliorer les relations entre les filles et les garçons : rendre au sexe des garçons sa normalité mais aussi sa valeur et sa vitalité créatrice, impossible sans l’empathie du « féminin ». Impossible à obtenir sans chercher dans le sexe féminin les peurs archaïques propres aux deux sexes ou pas, pour comprendre l’origine de la haine du féminin.

Je me souviens d’une sortie pédagogique au musée d’Orsay avec une classe de 4e : le XIXe siècle était au programme et la professeure de français avec laquelle j’avais travaillé les relations filles/garçons avait évoqué le tableau de Gustave Courbet, L’Origine du monde. Alors que le thème de la visite portait sur les thèmes de la littérature de la Renaissance (Dante) revisités par les sculpteurs et les peintres du XIXe siècle, les élèves (de Zone d’Education Prioritaire, je souligne) avaient insisté pour voir l’œuvre. J’y avais consenti, me remémorant l’histoire de Jacques Lacan, propriétaire du tableau, le montrant à ses invités illustres, ceux-ci en gardant le secret car le « maître » les avait vus regarder le tableau ; la première surprise passée, les garçons, les yeux écarquillés gardant l’image sans rien en dire, et les filles chuchotant mais assez fort pour que tout le monde entende « c’est dégueulasse ». Nous avions compris, ma collègue et moi, qu’il fallait saisir l’occasion et par la pédagogie du détour, introduire une séance d’éducation à la sexualité en bonne et due forme.

Nous avons rendu à Courbet ce qui était à lui, c’est-à-dire sa manière de travailler avec des photographies jugées pornographiques à l’époque qui lui servaient de modèle et nous avons évoqué son parcours novateur pour l’époque se confrontant au réel tout autant que Gustave Flaubert avec Madame Bovary. Nous avons ensuite séparé les filles des garçons mais leur avons demandé de travailler chacun de leur côté, sur les représentations du sexe féminin : « Quelles pensées, émotions, questions avait suscité le tableau de Courbet ? » Il s’agissait de nommer ensuite un rapporteur qui rendrait au grand groupe les évocations des unes et des autres.


Chez les filles :
- « Pourquoi tant de poils ? Cela n’existe pas. »
C’est vrai, très peu sur les planches anatomiques que nous présentons habituellement. Et dans la réalité ? Les êtres humains sont, paraît-il, aussi poilus que les singes (Pascal Picq) mais de façon différente.
- « C’est laid, les poils. Ça dépasse du maillot, on les rase. »
C’est vrai, sur les jambes et le haut des cuisses, les normes esthétiques exigent que les femmes s’épilent, sans doute pour accentuer la visibilité de la douceur de la peau. Rien de tel n’était demandé aux hommes. Cependant, beaucoup de jeunes gens s’épilent le pubis aujourd’hui. Nous rappelons la dictature des normes dictées par le cinéma pornographique et le rôle des poils protégeant et cachant la nudité de la vulve.

A travers ces questions, nous retrouvons différents champs de la sexualité humaine, biologique, psychologique et sociale. Cependant, les garçons adolescents considèrent leur sexe davantage « comme un outil de plaisir et de communication » que comme un « outil de reproduction ». Il convient donc de les rassurer d’abord sur leur sexe biologique et personne dans ce cas ne peut faire l’économie de planche anatomique. Il s’agit là de faire la part belle à la normalité et de séparer la réalité physique de l’autre réalité fantasmatique. Les garçons connaissent tous (les filles aussi) le joli nom des testicules « bijoux de famille ».

Quand on leur demande « pourquoi ce nom ? », ils ne savent que dire « parce que c’est précieux ». Et c’est à l’intervenant de rebondir « parce que c’est là que naissent les spermatozoïdes appelés, en rencontrant l’ovule, à fabriquer un embryon ». Evidemment, aucun film pornographique ne leur apporte cette réponse ; de ce fait, ils le savent sans le savoir. Des éléments leur sont donnés ensuite sur la taille du pénis à l’état flaccide et en érection, cette érection qui les inquiète surtout lorsqu’elle est réflexe et non, ils ne sont pas obsédés. Certains risquent « c’est pour ça que des fois, on refuse d’aller au tableau ».

Le sujet de l’homosexualité dont ils ont si peur, surtout lorsqu’ils imaginent un sujet passif, donne l’occasion de distinguer orientation sexuelle (genre envers lequel est ressenti de l’amour et du désir) et identité de genre (qui consiste à revendiquer une position de gay ou de lesbienne). Il convient ici de rassurer en affirmant que l’identité est un processus, une construction identitaire et pas seulement un état biologique.

Et en parallèle, leur faire comprendre que rien n’est irrémédiable à l’adolescence et que les amitiés fortes entre même sexe fait partie de leur développement. Enfin, tordre le cou à la représentation qu’un homosexuel est un pédophile, leur évoquer la garde du roi de Sparte, les Trois Cents de Léonidas, tous morts en héros au détroit des Thermopyles.

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Dossier : “Homosexualités aujourd’hui“
“L’homosexualité masculine contemporaine“ Patrick Leuillet
“Conjugalités lesbiennes“ Natacha Chetcuti
“Orientation sexuelle : se reconnaître et s’accepter“ Frédéric Galtier
“Le grand mystère du désir masculin“ Clothilde Lalanne
Autres sujets :
“Le porno, thérapie ou résilience ? Alexandre Merlo et Philippe Brenot
“Le speed dating ?“ Pierre-Yves Wauthier
“La psycho-sexologie appliquée“ Yvon Dallaire et Yv Psalti
“Le slow sex ?“ Dominique Deraita
“Le sexe des filles“ Catherine Leboullenger
“Semence et souillure en terre Yafar“ Pierre-André Bizien
“Parsifal, du sacré au sexuel… “
“Portraits de femmes chez Lars von Trier“ Jean-Gérald Veyrat

Sexothérapie, Praticienne en Hypnose Thérapeutique, Thérapeute EMDR IMO à Paris, Assistante de… En savoir plus sur cet auteur
Rédigé le Samedi 16 Décembre 2023 à 21:28 | Lu 313 fois
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